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sábado, 12 de março de 2011

Rencontre temp’ ó ra 1 e r et 2 mars 2011, quelques réflexions

Rencontre temp’ ó ra 1 e r et 2 mars 2011, quelques réflexions


par François Rossé

La rencontre a été très positive entre compositeurs, musiciens interprètes, directeurs de production musicale de différents pays. Les questions abordées permettaient de faire un bon tour d’horizon des questions concernant la création, les débats étaient bien animés et les échanges établis avec une bonne franchise et néanmoins réelle convivialité.

Sur le plan des contenus, plusieurs points étaient abordés. On a pu retenir que, d’une
manière générale, les rapports avec les administrations culturelles impliquées dans le domaine de la création (Sacem, Gema, CDMC, éditions...etc) semblent être en grand décalage par rapport aux besoins de la création. On a même pu considérer que leurs axiomes avaient plutôt pour effet de freiner, que d’encourager la création active. Le fait de faire payer les droits par les entrepreneurs de concerts classiques impliquant des compositeurs non vivants pour les réinjecter auprès des vivants m’est apparu comme une évidence d’ordre moral en terme d’un minimum de solidarité entre les interprètes et les compositeurs plutôt que de faire payer les musiciens qui s’engagent avec foi, courage et risque artistique dans le patrimoine vivant. L’aspect de la diffusion, de l’élargissement des publics était aussi largement parcouru. J’avais soumis l’idée, que la notion de « musique contemporaine » soit réactualisée par rapport à l’image donnée durant le siècle précédent à partir d’une conscience de notre environnement actuel sur tous les plans mettant l’acte artistique dans sa dimension poétique en rapport de conscience avec les donnes politiques, sociales, et économiques très mouvantes actuellement. Il semble qu’on pouvait tout de même exiger d’un créateur d’être en liaison avec le « contemporain » de son environnement quelle que soit la réponse qu’il donnera par rapport à cela. Sur ce plan, il m’a semblé déceler parfois clairement un réel décalage assez significatif au niveau des attitudes qui avaient du mal parfois à se hisser au-delà de l’image de la musique contemporaine du siècle précédent sans en récupérer l’énergie des dinosaures de cette époque jurassique du siècle passé. Bien entendu les questions soulevées actuellement semblent reposer tout de même sur un élargissement conceptuel de la fonction d’un créateur, notamment élargissement de l’action de création à divers sites sociaux et géographiques. Si de telles considérations ne sont pas abordées, on risque rapidement la fixation sur une sorte d’esthétisme contemporain occidental hors des mouvements les plus dynamiques actuels. Le concert du soir pouvait en témoigner quelque peu notamment en première partie. Il est tout de même intéressant de noter que nous sommes à la même distance temporelle de Schoenberg que Schoenberg de Haydn !!!
Si le XXe siècle a pu saisir une bonne part de sa dynamique dans l’engagement vers de nouveaux espaces acoustiques et les prises de conscience d’autres cultures, les dernières décennies semblent quelque peu stagnantes et je crois volontiers que l’on ne dynamisera les choses que dans la remise en question des axiomes fondamentaux qui semblent définir la notion de « musique contemporaine ».
Hisser celle-ci au-delà des esthétismes pour s’intéresser plutôt aux choix d’attitudes dans l’homme maniant le son face au monde d’aujourd’hui. Cela exige certainement beaucoup de courage pour le compositeur d’aujourd’hui habitué à un certain fonctionnement de la « contemporaine » quelque peu trop stabilisé, même dans la misère au niveau de sa reconnaissance. L’interrogation est fondamentale à la mesure des bouleversements actuels sur les autres plans dans les rapports sociaux, c’est inévitable je crois. L’humain se distingue de l’animal essentiellement par le développement d’un contrat social fort et différencié. L’importance de la transmission, en corollaire à la suggestion précédente a été particulièrement soulignée d’autant plus qu’elle subit, en France, une totale condescendance de la part des administrations culturelles officielles aux comportements plutôt versaillais (commandes réduites pour ce qui est stupidement nommé « pièces pédagogiques », impossibilité d’accès au CDMC, difficulté d’édition, de reprises...). Les modes d’action musicale en tant qu’outil de création semblent devoir intégrer aussi la pratique orale et improvisée en bonne complémentarité avec l’écriture, à la fois à l’instar de notre propre tradition occidentale historique et en liaison avec l’importante dynamique liée aux confrontations culturelles imparables aujourd’hui (hormis les claustrophyles centralisés). Il y a 70 ans, cette ouverture visait ssentiellement le développement du traitement de l’espace acoustique par les moyens électroacoustiques puis informatiques, à présent ceci étant reconnu et largement intégré, cette ouverture s’adresse plutôt aux différents fonctionnements du musicien, notamment l’oralité, en intelligence avec la vie artistique et musicale en particulier, d’aujourd’hui. La notion de « recherche musicale » reste bien trop confinée exclusivement aux développements technologiques de recherche acoustique minimisant la recherche nécessaire pour concevoir une partition ou tout autre medium apte à s’adapter fonctionnellement aux divers sites de notre planète, à régler les hétérogénéités culturelles mises en rapport de manière oeuvrée...(1)

Une dichotomie était néanmoins clairement apparue entre le souci exprimé longuement,
durant les débats, d’encourager la présence d’un public plus large et la proposition du concert donné dans la soirée, en liaison (normalement) avec cette rencontre. Nous étions tout de même dans une situation « très classique » du concert de musique contemporaine et donc pas vraiment dans une formulation réellement inventive, mais pourquoi pas ( ?), tout en regrettant quelque peu que les dynamiques les plus actuelles n’aient pas eu un instant de présence en l’occurrence l’oralité (2) dont la concurrence certes, pourrait parfois inquiéter des écritures insuffisamment engagées, la réciproque étant vraie aussi. Tant qu’on en restera aux cases culturelles passées et dépassées « musiques contemporaines », « musiques improvisées », « musiques du monde » etc., et que l’on ne concevra pas pleinement la notion « d’attitude contemporaine » indépendamment des outils que sont l’écriture, les moyens informatiques et les différentes formes de l’oralité, les choses risquent de se dessécher de manière accélérée car il y a erreur dans l’axiome de base. C’est probablement au créateur d’engager ce challenge pas forcément simple mais essentiel.
Si le créateur est conduit à puiser dans ses ressources internes au moment de l’élaboration d’une oeuvre, et donc dans un important retour sur lui-même, une attitude trop exclusivement introvertie relève souvent d’une certaine surdité par rapport à son environnement et ne semble surtout à terme guère fertile. Les énergies se revalorisent dans les échanges et mutations et non dans la stagnation. Le créateur peut certes revendiquer le droit à cette introversion, restons républicains, mais dès lors il s’écarte du souci de réelle communication et ne devra donc pas s’étonner de n’être guère en rapport de sympathie avec les autres humains qui ne se sentent pas forcément concernés par ses questions restées internées dans sa préoccupation repliée sur elle-même. C’est probablement un travail de funambule que d’être à la fois puissamment soi-même et ouvert en générosité artistique vers les autres, et ceci sans démagogie ni consensus. Ceci relève donc plutôt d’une certaine forme d’éthique. L’homme reste-t-il néanmoins plus important que sa musique ? le contemporain d’aujourd’hui ? la fonction artistique ? l’homme ? Une ouverture en réflexions pour un futur débat peut-être ? Dans un monde actuel quasiment en révolution rapide, de telles questions ne m’apparaissent pas réellement déphasées... chacun y trouvera ses réponses à condition de se poser les questions quelque peu pertinentes... je ne sais si les Libyens sont en souci post-spectral, néanmoins, bien sûr, on ne peut certes exiger du compositeur d’être Libyen. Mais peut-être, notre écrivain de la musique qu’est normalement le compositeur peut-il tout de même être amené à poser ses pieds sur la glaise contemporaine de la planète d’accueil.

François Rossé

(1) La proposition réalisée en 1990 à l’Île de la Réunion devant réunir dans une même oeuvre les créoles non lecteurs, les jazzmans et les musiciens de culture occidentale exclusivement lecteurs posait puissamment la question de la conception d’une telle partition dans sa faisabilité avant de passer à la musique elle même. Si l’on ne conçoit pas cela comme étant de la recherche il faut fermer la boutique « musique contemporaine » je pense.

(2) sans développer outrancièrement la présence de l’oralité, sachant que le concert était déjà trop long, sous forme de pont assez court entre deux oeuvres occasionnellement par ex.

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